Le récit tragique de cinq américains noirs
Cette nouvelle série Netflix est un biopic qui raconte le cauchemar de cinq ados de Harlem accusés à tort d’une violente agression à Central Park. New-York, 1989, la ségrégation raciale fait encore rage est le système judiciaire outrepasse ses droits…
Le jour où tout a basculé
Kevin, Antron, Yusef, Raymond et Korey vivent une vie d’adolescents normaux : les cours, les romances, les potes, les sorties et vie de famille… Ces cinq garçons ont pour seul point commun de vivre à Harlem. Chacun d’entre eux mène sa barque et un jour tout bascule.
En 1989, une joggeuse sort courir après une longue journée de travail comme à son habitude. Le destin bascule lors de cette soirée lorsqu’elle est sauvagement agressée et violée. Laissée pour morte au coeur de Central Park, elle est retrouvée quelques heures plus tard entre la vie et la mort.
Parallèlement, ce même soir d’avril 89 vers 21h30, une trentaine d’adolescents occupent Central Park. Des passants auraient appelé la police indiquant que ces jeunes gens tentaient de les intimider.
Destins brisés sur fond d’injustice
Prévenu de ce que la police appellera plus tard “du tapage”, les forces de l’ordre interviennent et arrêtent des adolescents.
Au départ, ce qui aurait dû être une “simple” arrestation pour ces jeunes garçons va se transformer en cauchemar.
Perturbations nocturnes commises par des personnes de couleur associées à un viol, il n’en fallait pas plus à la procureur pour imaginer le scénario parfait. Pourquoi chercher le ou les vrais criminels alors qu’il n’y a qu’à faire son marché dans les locaux de la police.
Débute alors pour Raymond Santana, Kevin Richardson, Antron McCray, Yusef Salaam, et Korey Wise âgés de 14 et 16 ans des séries d’interrogatoires. Chacun aura beau expliquer ne connaître ni la victime ni les autres jeunes censés être leurs complices d’après la police… rien n’y fait ! Privés de sommeil, d’avocat, de leurs parents… et sous la pression aussi bien verbale que physique les adolescents craquent et avouent… Les propos sont vagues, les prénoms choisis au hasard selon le bon plaisir des inspecteurs, l’objectif est clair : chacun veut sortir le plus vite de l’enfer dans lequel il se trouve.
Une inculpation basée sur du vent
Le mensonge imaginé de toute pièces par les forces de l’ordre devient parole d’évangile. Démarre alors le procès qui se déroule majoritairement dans l’épisode 2.
Chaque preuve, chaque témoin peu importe la valeur de son témoignage sera considéré à charge des jeunes gens.
Le couperet tombe… chaque garçon sera incarcéré à la suite de ce simulacre de procès. Les peines iront de 6 à 13 ans. L’histoire devient alors un combat médiatique et politique. Il n’était plus question de trouver le coupable mais d’inculper ces adolescents coûte que coûte. Donald Trump sera notamment en faveur du retour de la peine de mort dans l’Etat de New-York.
Réapprendre à vivre
La réalisatrice a fait le choix de limiter les scènes d’incarcération pour Raymond Santana, Kevin Richardson, Antron McCray, Yusef Salaam. Le troisième et avant dernier épisode se centre ainsi sur la vie d’après, celle du retour à la “liberté”. De nombreuses questions vont alors guider le récit. Comment vivre quant aux yeux du monde vous êtes un criminel sexuel ? Quelles sont les possibilités ? Quelle est ma légitimité ? Le temps perdu en prison peut-il se rattraper ? Ainsi, chaque personnage, va à sa manière essayer de reprendre le contrôle de cette vie volée, de ces années envolées.
Enfin, le dernier épisode est presque intégralement focalisé sur Korey Wise. Lui qui était venu accompagner son ami Yusef, pour ne pas le laisser seul avec les policiers, sera accusé du crime en raison de son âge – 16 ans -. Jeune garçon sans histoire et ne cherchant pas la bagarre va être victime de la plus terrible descente aux enfers… Son parcours à travers différentes de prisons, la violence ambiante auquel il sera confronté mais également ces troubles psychiatriques tel est le programme de l’épisode 4. Préparez-vous à vivre un huis-clos glaçant et poignant. Ce dernier épisode fera presque écho à la détresse vécue par June dans The Handmaid’s tales.
Une série qui ne laisse pas indifférent
En matière de série, c’est comme tout : il y a les petits bijoux, les bonnes séries et les “no way” (passez votre chemin).
When they see us fait partie des petits bijoux. Elle retrace avec subtilité et sincérité l’histoire de ces jeunes garçons devenus en un instant des criminels sexuels. L’épaisseur de cette série provient des acteurs qui retracent avec brio la tragique et véritable histoire de cinq adolescents de Harlem. Sans crier gare, ce qui devait être anodin est devenu un reflet de la justice américaine. L’incompréhension, la détresse et la peur de ces garçons transpirent à l’écran. À de nombreuses reprises, j’ai eu les larmes aux yeux. Cette série m’a vraiment touchée. On réalise comment des vies sont détruites, aspirées par un système judiciaire et politique rongé par les dessous de table et la quête du pouvoir. Si je devais décrire cette série en un mot, je dirais : la résilience. Cette force que les cinq individus ont puisée au fond d’eux pour se construire en tant qu’adultes, fonder des familles et défendre envers et contre tout leur innocence !